Adieu Facebook, Adieu Zuckerberg

Episode 4

Lorsque j’ai commencé à militer, la question de la toile et des réseaux sociaux paraissait particulièrement importante. Nous [c’est-à-dire les personnes de mon courant de pensée] pensions qu’une grande partie de la lutte se déroulait dans ce nuage où les araignées tissent leurs toiles.

Ces derniers jours, je me suis rendu compte de l’impact des réseaux sociaux sur ma vie mentale et psychique. L’outil permettant de socialiser et de discuter avec autrui afin d’avancer de nombreux débats s’est avéré comme une certaine chimère. J’écrivais des articles pour développer ma pensée et mes idées, mais les articles n’étaient plus visibles. J’ai été victime de ce que l’on appelle dans l’algorithme à savoir un shadow-ban[c’est-à-dire un bannissement par les algorithmes]. Cela permet de créer un manque de visibilité vis-à-vis des personnes que je voulais atteindre. Dans ce sens, il me paraît particulièrement fondamental de trouver les causes de cela alors que durant une période, mes articles étaient extrêmement vus, et même trop vus dans certains cas. Le changement progressif de l’algorithme pour réagir avec ses tripes plutôt qu’avec son cerveau s’avère être le cœur de la bête.

J’écrivais aussi plus tellement sur le blog pour différentes raisons qui m’importent comme le manque de temps, mais aussi l’énergie. Quel est l’intérêt de créer un article d’environ 1 000 mots s’il n’est pas lu. Aucun intérêt malgré les 1400 personnes qui me suivaient. Ainsi, les changements de lignes directrices sur les réseaux sociaux centralisés advenait également à une partie : si c’est gratuit, c’est vous le produit. De ce fait, même au travers de quelques essais publicitaires, je n’ai jamais remonté la pente que j’avais entre 2015 et 2017. Cela s’avère très frustrant, et c’est à se demander si les personnes qui nous suivent ne sont que des mannequins dans une vitrine. En effet, les personnes rentrent effectivement dans un endroit tout en restant spectateur. Dans le même temps, je voyais les différentes pages où l’on jouait sur les instincts primitifs avoir des dizaines de milliers d’interaction.

Dans ce sens, il m’a fallu une certaine prise de recul pour voir que les réseaux sociaux centralisés ne s’avéraient pas du tout vendeurs. Je ne vendais certes pas mes articles, loin sans faute, mais j’estimais que l’évaluation de la qualité de mon travail sur les articles s’effectuait sur le nombre de visites. J’avais une réputation au sein du milieu des blogueurs de gauche. J’avais participé au programme des « blogs 6.0 ». J’ai un certain idéal, je défends effectivement un communisme moderne d’articles en articles en démontrant les incohérences du capitalisme.

Au passage du millier d’articles, je me suis aussi remis en cause, même si le cadre ne s’apparentait pas forcément à un idéal puisqu’à l’époque, j’alternais les séjours dans les hôpitaux et les cliniques en raison d’une pathologie chronique. Autrement dit, ce n’était pas forcément la joie. Je donnais toute mon énergie à documenter ma pensée au travers de l’actualité. Je pense qu’en raison de l’investissement personnel que j’ai réalisé dessus avec ses côtés euphorisants tout comme la structuration de la vie, les résultats furent particulièrement médiocres. Dans ce sens, le nombre de followers n’apparaît pas comme proportionnel au nombre de lecteurs. Dès lors, on peut clairement dire qu’il y a anguille sous roche.

Le travail au sens de rédiger un article, peu importe le contenu prend un certain nombre de temps. L’idée se retrouve à chercher des lecteurs, mais les algorithmes des réseaux sociaux centralisés ne permettent de réaliser la passerelle tant voulue. En effet, la question très aléatoire se base sur le fait que les personnes s’abonnent à des chaînes ou à des pages comme une forme de consommation alors que la finalité n’y débouche pas vraiment. Pire, sur ces réseaux sociaux, une petite minorité ouvre finalement les liens et dans celle-ci peu de personnes vont jusqu’au bout. Dès lors, il ne pouvait que démontrer une réalité : le réseau social en question ne permet pas d’approcher une réalité constante.

Quand j’ai commencé à m’attaquer à la crise sanitaire, j’ai eu aussi le droit à une vague de cyberharcèlement au travers de l’artiste Keny Arkana, dont je ne vais pas en reparler ici (hormis de la dérive sectaire de ses fans). Pendant qu’elle vomissait le conspirationnisme sous un air de soupe populaire qu’on appelle le « rap », ses acolytes laissaient des messages par dizaines et se montraient très déterminés pour pratiquer la « cancel culture ». Pourtant, je n’ai jamais compris d’où venait ce tsunami. Cela montre bien que l’algorithme pour créer aussi de véritable contre-courant.

Devais-je dire qu’en ayant sauvegardé le contenu de ma page Facebook, c’est pas moins de 1200 photos qui avait été publiés (dont beaucoup des miennes) ? Cela considère comme un temps considérable. Pendant un temps, j’ai essayé de réanimer la page au travers de multiples tentatives pour revivifier l’algorithme, mais clairement, je pense qu’on peut toujours essayer de le faire à l’infini, une telle caractéristique se retrouve dans l’esprit qu’on ne peut réanimer une personne qui est vouée à mourir comme atteinte d’un cancer en phase terminale ou qui a signé un Refus de Réanimation. Je pensais dès lors que l’avenir s’avérait ailleurs.

J’ai découvert le Fediverse en parallèle en 2017 et je m’étais inscrit sur l’instance de la quadrature du net au travers de Mastodon. L’arrivée du fanatique libertarien et proche de l’ultra-droite Elon Musk m’a fait totalement abandonner l’oiseau bleu (devenu un site sous un nom porno à savoir « X »). J’ai pris conscience également au travers de multiples passages en changeant d’instance durant un basculement chez Cackley (un Fork de Misskey). Voyant les partages des personnes comme je suis comme l’écrivain Henri Loevenbruck ou bien le site de Ploum. Déterminé à cela, j’ai pris le choix solennel d’abandonner l’ensemble de Facebook afin de basculer sur un réseau social entièrement humain avec des interactions de qualité.

Aujourd’hui, j’ai supprimé Facebook, et je peux reprendre un peu la chanson de Stevie Wonder : « Libre comme la rivière ». Je me lève et je peux enfin profiter de mon expérience.

Posté le 25 juillet 2023 par Pierre Le Bec